Les Cancres de Rousseau

Les Cancres de Rousseau ; de Insa Sané
Publié aux Éditions Sarbacane, 2017 – 331 pages

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1994, Sarcelles, Djiraël en est sûr, cette année sera exceptionnelle. Il entre en terminale, dans la même classe que ses potes Sacha, Jazz, Rania et les autres. En plus, la belle Tatiana semble enfin réponde à ses avances… Cerise sur le gâteau, le prof principal, c’est monsieur Fèvre – le seul qui s’intéresse à eux. Bref, c’est parti pour une année d’éclate… sauf que parfois, plus on prévoit les choses, moins elles se passent comme on le pensait.

Un grand merci aux Editions Sarbacane -et particulièrement à Julia- pour l’envoi de ce livre plein de verve !

Si j’ai bien compris, le roman s’inscrit dans un ensemble d’autres textes (Sarcelles-Dakar, Du plomb dans le crâne, Gueule de bois, Daddy est mort…) qui, ensemble, forment la « Comédie Urbaine » de l’auteur. Si chacun met en scène plus ou moins les mêmes personnages, tous les titres peuvent pourtant se lire indépendament les uns des autres.

Ce qui saute d’abord aux yeux dans Les Cancres de Rousseau, c’est la justesse du ton employé. Le texte n’en paraît que plus authentique, Insa Sané usant beaucoup du langage de la rue, sans jamais en faire trop. Avant de se mettre à écrire, l’auteur a fréquenté le monde de la musique, et cela se sent dans la manière qu’il a d’insuffler à son texte des airs de slam par moments ! C’est donc avec un réel  plaisir que le roman peut se lire, mais aussi se laisser écouter à voix haute : prêtez-vous à l’exercice, ça change tout !

Côté personnages, j’ai complètement craqué pour Djiraël ! Sa langue bien pendue, son humour ravageur et son côté irrévérencieux en font un narrateur génial. Cette dernière année de lycée pour lui et ses potes, c’est l’occasion où jamais d’être heureux ensemble, d’exister ensemble, et il a tout prévu pour que ce soit grand, que ce soit grisant et à la hauteur de leurs espérances.

« Pour moi… ça ne signifiait rien, à vrai dire. Rien si tous ces enfoirés n’étaient plus à mes côtés ! En revanche cette année restait ma dernière chance de faire enfin tourner la roue dans mon sens, le bon. Car s’il est vrai que l’homme n’est que poussière d’étoiles, je voulais croire que nous, les cancres de Rousseau, étions nés pour briller -un jour. »

A côté de ça, c’est aussi sa fragilité qui le rend si accessible. Au fil des pages, sa carapace se fissure et laisse entrevoir la personne qu’il aimerait devenir, mais dont les choix et leurs conséquences sont incertains.

Force est de constater que ce n’est pas le seul personnage auquel on s’attache irrémédiablement. Toute sa petite bande m’a fait le même effet, sans doute parce qu’ils sont tous imparfaits à leur manière : les failles et les espoirs de chacun se révèlent petit à petit, leur offrant plus de profondeur.

Le roman se fait le reflet véritable d’une réalité sociale trop souvent représentée de manière clichée (mais si, tu sais bien : les voitures crâmées, la violence et les drogues omniprésentes etc.). Allez, on éteint le JT deux minutes et on découvre se dont il est vraiment question ici. Parce qu’au delà de ce qu’on pense, être fils/fille d’immigré en France aujourd’hui c’est surtout :

– subir les railleries du corps enseignant et ne pas être pris au sérieux : big up à Monsieur Fèvre, le seul professeur qui ne les prend pas pour des quiches et s’intéressent véritablement à eux.
– être fréquemment arrêté par la police pour « contrôle de routine », juste parce que ta tête ne leur revient pas
– se voir refuser l’entrée d’un resto ou établissement un peu chic parce que tu ne corresponds pas au standing de l’établissement (autrement dit tu fais trop racaille !)

Bien que l’intrigue se déroule au début des années 1990 (ce dont je ne m’étais pas aperçue, n’ayant pas lu la quatrième de couverture !), le propos s’avère complètement d’actualité et c’est pour moi un raison suffisante pour se plonger dans le roman !

Mais Les Cancres de Rousseau, c’est aussi un roman sur l’adolescence, ses espoirs, ses doutes et ses angoisses. Toute la bande de Djiraël se bat pour son futur et bouillonne d’une furieuse envie de vivre.

☞ Pas de doute, Insa Sané signe un roman pertinent et authentique, dénué des clichés habituels sur la banlieue, accompagné de personnages porteurs de grandes valeurs. Avec un rythme enlevé et beaucoup de justesse et d’humour, il livre un message fort qui permet au lecteur de remettre en perspective beaucoup de ses préjugés.

 

J’ai égaré la lune 🌜

J’ai égaré la lune; de Erwan Ji
Publié aux Éditions Nathan, 2018 – 364 pages

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Quand j’étais petite, j’imaginais ma vie à vingt ans. J’irais à la fac à New York, je partagerais une petite chambre avec une coloc râleuse, et mon copain m’appellerait chérie.

Je viens d’avoir vingt ans. Je vais à la fac à Tokyo, je partage une grande maison avec six colocs géniaux, et ma copine m’appelle ma petite otarie.

Alors oui, je suis peut-être pas très forte en imagination de vie. Mais tu sais quoi ? C’est pas grave. La vie, c’est comme une blague. C’est plus rigolo quand t’as pas deviné la fin.

 

Souvenez-vous, il y a quasiment un an, je vous cassais les pieds h24 pour vous convaincre de lire J’ai avalé un arc-en-ciel parce que c’était « trop génial » et qu’on avait « jamais lu quelque chose de similaire avant ». Eh bien la sortie du deuxième roman d’Erwan Ji est l’occasion de réitérer mon appel 😀 Grâce aux Editions Nathan (et à l’auteur !) j’ai pu découvrir J’ai égaré la lune avant sa parution, et tout ce que je peux en dire c’est : 


☞ On prend les mêmes et on recommence !


La brève introduction donne le ton, on retrouve Puce deux ans après le début de J’ai avalé un arc-en-ciel (JAUAEC, pour que vous suiviez), prête à reprendre du service sur son blog. Rien n’a changé, ou presque : on s’apprête à suivre les pérégrinations de Puce et Aiden à Tokyo, où elles vont vivre plusieurs mois dans le cadre d’un échange universitaire. 

Encore une fois, le ton cocasse et si particulier de Puce en fait une héroïne que l’on adore dès les premières lignes. Rajoutez à cela l’emploi du tutoiement, et vous aurez l’impression de la connaître depuis toujours ! (c’est d’autant plus vrai quand vous avez lu JAUAEC avant, mais forcément vous l’avez lu ! Non ?…)

« La vie ce n’est pas attendre que les orages passent, c’est apprendre
à danser sous la pluie. »


☞ Auberge espagnole à la japonaise


Avec un humour incomparable et des opinions très affirmées, Puce décrit son quotidien japonais et nous enchante de ses bourdes linguistiques ! Il faut dire qu’elle se retrouve perdue en terre étrangère, quasiment livrée à elle-même : handicapée par une langue qu’elle ne parle pas, elle expérimente diverses petites galères administratives qui feront certainement sourire les gens ayant déjà vécu une expérience d’expatrié !

D’ailleurs, l’immense colocation que déniche la jeune fille aux côtés de six autres personnes aux nationalités variées (Américains, Coréens, Philippins, Grecs, Français…) n’est pas sans rappeler le film « L’auberge espagnole ». La diversité culturelle de ses camarades de maison est d’ailleurs souvent source de débat ou d’anecdotes amusantes au fil des chapitres.


☞ Bienvenue au Japon !


Les explications relatives aux différences linguistiques participaient au charme de JAUAEC, et Erwan Ji reprend le même principe dans son nouveau roman. Sachant qu’il a lui-même vécu au Japon, l’expérience de lecture est d’autant plus réaliste ! 

Si comme moi la culture japonaise vous est totalement inconnue, vous aurez donc le plaisir de découvrir l’existence des konbinis, des love hotels, ou encore des chikan (l’équivalent des pervers qui sévissent dans les transports en commun). Vous apprendrez également fonctionnement les Japonais adoptent pour leur système d’écriture, et vous serez (peut-être comme moi) abasourdis de voir que Tokyo met à disposition des wagons réservés aux femmes aux heures de pointe, pour leur éviter de se retrouver confrontées à des chickans !

En parallèle de ça, Puce analyse toujours certains termes anglais, et se confie sur la difficulté relative à penser en plusieurs langues, ce qui lui mélange parfois un peu les pinceaux. 


☞ Vivre, tout de suite


Ce séjour au Japon, c’est aussi l’occasion, pour notre héroïne, de s’interroger sur le sens de la vie, de réfléchir à ses envies et à son futur. On suit le cheminement de ses réflexions existentielles, et j’ai trouvé qu’elle abordait parfois des sujets étonnamment matures pour son âge.

On dit souvent que les voyages forment la jeunesse, mais l’expression n’a jamais pris autant de sens qu’avec le personnage de Puce !

« De retour aux Etats-Unis, j’avais eu l’impression d’aller à l’étranger, et en revenant au Japon, de rentrer à la maison. Je pensais qu’un échange international signifiait s’accommoder de ne pas être chez soi pendant neuf mois, en fait c’est pas ça du tout. Vivre dans un autre pays, c’est apprendre à se sentir chez soi ailleurs. »

☞ Erwan Ji continue sur sa lancée et offre une excellente suite à JAUAEC ! Dans la même veine que le film « L’auberge espagnole », il propose un récit de vie d’une grande sensibilité, dans lequel Puce expérimente les doutes de cette période transitoire à mi-chemin entre l’adolescence et l’âge adulte. J’ai égaré la lune fait partie de ces bulles de bonheur desquelles on aimerait ne jamais sortir tant les personnages paraissent  authentiques et touchants. 

En bref :
– le regard franc de Puce sur son environnement
– un humour omniprésent
– des tonnes d’anecdotes relatives à la culture japonaise
– des pistes de réflexion sur la vie après la mort ou la manière d’envisager sa vie…

La Belle Sauvage, ou le « moueh » du début d’année

La Trilogie de la Poussière, tome 1 : La Belle Sauvage; de Philip Pulman
Gallimard Jeunesse, 2017 – 544 pages

61IuEgS0BZLÀ l’auberge de la Truite, tenue par ses parents, Malcolm, onze ans, voit passer de nombreux visiteurs. Certains sont étrangement intéressés par le bébé nommé Lyra et son dæmon Pantalaimon, gardés par les nonnes du prieuré tout proche. Qui est cette enfant ? Quels secrets, quelles menaces entourent son existence ? Pour la sauver, Malcolm et Alice, sa compagne d’équipée, doivent s’enfuir avec elle. Dans une nature déchaînée, le fragile trio embarque à bord de La Belle Sauvage. Tandis que despotisme totalitaire et liberté de penser s’affrontent autour de la Poussière, une particule mystérieuse, deux jeunes héros malgré eux, liés par leur amour indéfectible pour la petite Lyra, vivent une aventure qui les changera pour toujours.

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Si ma dernière lecture de A la croisée des mondes, la précédente trilogie de Pullman, commençait à dater (au moins sept ans !), j’avais encore bien en tête les différents éléments de cet univers si particulier, ainsi que les personnages principaux que l’on suivait dans leur quête. C’est donc avec fébrilité, et aussi un brin de nostalgie que je me suis plongée dans ce nouvel opus, qui offre un préquel aux aventures de Lyra et Pantalaimon. Seulement voilà, le voyage n’a pas été aussi plaisant que prévu.

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☞ Vite, mais pas trop…

Soyez prévenus, l’intrigue est longue à démarrer… Philip Pullman prend le temps d’introduire son univers si particulier, peut être un peu trop justement, quitte à perdre le lecteur en route. Si cet aspect ne m’avait pas dérangée le moins du monde dans le premier tome de La Passe-Miroir par exemple, ici j’ai rapidement eu envie de vivre l’aventure promise en quatrième de couverture ! 

☞ …quitte à zapper des choses

Malgré cette précision du détail pour que le lecteur se sente familier dans ce monde à la fois proche et différent du notre, il m’a semblé que l’auteur ne s’attardait pas autant que nécessaire sur certains aspects du récit : le concept des daemons, notamment, m’a semblé assez vague pour des lecteurs novices (et même pour moi, qui connaît pourtant déjà les livres de Philip Pullman !) 

☞ Un duo mal assorti

Malgré tout, il y a du bon dans le rythme lent instauré par l’auteur : mieux appréhender l’univers, et surtout faire la connaissance du jeune Malcolm, le protagoniste principal de cet opus. 

Et encore une fois, Pullman nous offre un héros à la mesure des événements présentés ! Malcolm, tout comme Lyra avant lui (ou après lui ? Tout dépend de l’ordre dans lequel vous lirez les trilogies –> TMTC cher lecteur), campe un personnage des plus attachants, qui fait preuve de multiples qualités. Doté d’une grande soif de connaissance, il est aussi brave et serviable, fichtrement déterminé, mais aussi très mature pour son jeune âge. Tout comme Lyra avec son daemon, sa relation fusionnelle avec Astra émeut.

En revanche, je dois bien avoue qu’Alice m’a laissée de marbre. Quasi invisible au départ, elle prend un rôle plus important dès que l’aventure démarre véritablement, mais ça n’a pas suffit à éveiller mon intérêt, et j’ai trouvé certains personnages secondaires bien plus intéressants. On recroise d’ailleurs avec plaisir (ou un peu moins) quelques uns des protagonistes d’A la croisée des mondes et remontons aux origines de l’histoire de Lyra. 

☞ Même si ce premier tome promet une intrigue intéressante toujours empreinte des éléments envoûtants qui faisaient d’A la croisée des mondes une saga d’exception, il m’a manqué un petit quelque chose pour être vraiment emballée par l’ensemble. Ceci dit, peut être que je suis tout simplement trop exigeante, car dans l’ensemble, ce nouvel opus est un bon roman d’aventures, et j’avoue avoir passé un agréable moment de lecture. 

En bref :
 – un excellent roman d’aventure !
  – un style fluide et immersif
– des intrigues politiques et religieuses intéressantes
 – des personnages un peu décevants car inégaux
– un manque de clarté sur certains aspects « magiques »

 

Colorado Train ou le train de l’horreur #Hallowctober

Colorado Train ; de Thibault Vermot
Publié chez Sarbacane (dans la collection Exprim’), 2017 – 362 pages

☞ A lire si vous avez aimé Ça de Stephen King ou apprécié la série Stranger Things !

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La poussière rouge. Les sombres Rocheuses. L’Amérique profonde, tout juste sortie de la Deuxième Guerre mondiale. 
C’est dans ce monde-là que grandissent Michael et ses copains : le gros Donnie, les inséparables Durham et George, Suzy la sauvage. Ensemble, ils partagent les jeux de l’enfance, les rêves, l’aventure des longs étés brûlants…
Jusqu’au jour où un gosse de la ville disparaît. Avant d’être retrouvé, quelques jours plus tard… à moitié dévoré.
Aussitôt, la bande décide d’enquêter. 
Mais dans l’ombre, le tueur – la chose? – les regarde s’agiter. Et bientôt, les prend en chasse…

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☞ Comme un goût de déjà-vu…

Dès les premiers chapitres, un constat s’impose : Colorado Train reprend de nombreux éléments du célèbre roman de Stephen King, Ça.

J’ai noté, en vrac :
   – la présence d’un groupe d’enfants équivalent au « club des ratés », composé de plusieurs garçons (dont un petit gros qui n’est pas sans rappeler le personnage de Ben) et d’une seule fille (un peu bad-ass qui plus est)
   – l’existence d’une bande adverse, présidée par un emmerdeur de première, Moe, très proche du personnage d’Henry Bowers dans le roman de King (retard scolaire, langage un peu vulgaire, même profil de brute qui malmène les plus faibles…)
– la mystérieuse « Chose » qui semble être à l’origine de plusieurs disparitions et crimes atroces 

   – la scène du château d’eau, refuge de la créature, constitue un véritable clin d’oeil à Ça

Alors hommage ou pâle copie ?

Si l’auteur reprend des codes évidents du thriller, et certains aspects de Ça (sa biographie en ligne mentionne qu’il apprécie particulièrement l’œuvre de Stephen King, j’imagine donc qu’il s’agit d’une sorte d’hommage à sa manière), il se détache heureusement assez  de l’original, pour nous proposer une œuvre plus personnelle.

☞ Sueurs froides garanties ! 

La grande force du roman réside dans l’ambiance qui y règne. Durango est une petite ville, ce qui renforce l’impression d’un huis-clos parfois étouffant. L’ambiance y est feutrée, le danger est palpable, sans qu’on soit pourtant capable d’identifier clairement la menace : homme ou créature malfaisante ?

Justement, la manière qu’a Thibault Vermot de jouer avec la frontière entre le réel et le fantastique est intéressante. Le lecteur est ainsi gardé dans le flou jusqu’au bout, même si quelques extraits prenant le point de vue de la « Chose » permettent de se faire une idée plus claire de son vécu, et de s’immerger davantage dans l’histoire.

☞ Une plume efficace

Ce qui marque la lecture, c’est bien sûr le style génial de Thibault Vermot, dont il ne faut pas oublier que Colorado Train est seulement le premier roman ! Quelle réussite vraiment ! Variant les plaisirs, il insuffle au texte tantôt un côté poétique, tantôt un côté plus sombre et sauvage, presque provocateur.

Quant à la cadence, il la gère à merveille, faisant monter l’angoisse au fur et à mesure dans un rythme parfois saccadé, qui s’accorde très bien au genre horrifique du récit.

A noter que le roman n’est sans doute pas à mettre entre toutes les mains car certaines scènes sont un peu dures : il y est notamment question de viol, de meurtre et de cannibalisme. Et ouais.

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Ce GIF s’est imposé de lui-même, vu la tête de la fillette.

☞ Une vision de l’Amérique

Au delà du côté angoissant, je dois dire qu’il y a quelque chose de très contemplatif dans ce roman. L’auteur insiste sur les paysages et la nature de ce bled du Colorado.  Les descriptions particulièrement visuelles rendent la représentation des différents lieux d’action très aisée (mention spéciale aux mines abandonnées, qui forme un cadre propice à la terreur.

C’est aussi le portrait d’une époque, celle de l’Amérique des années 1950,  bien souvent idéalisée dans les œuvres qui choisissent d’y planter leur cadre. Pourtant ici, Thibault Vermot met plutôt l’accent sur le spectre de la guerre, encore bien présent dans les esprits. On découvre ainsi toute la misère et la violence que cela a pu causer, y compris la « Chose » qui sévit à Durango.

☞ Thibault Vermot signe un premier roman au style remarquable ! Reprenant les codes du thriller, Colorado Train s’avère angoissant à souhait, d’autant que l’auteur fait planer une certaine ambiguïté sur la nature réelle du danger… Au delà de cet aspect, c’est assurément l’histoire d’amitié d’une bande de gosses attachante, et la description d’un contexte social qui rendent le roman passionnant de bout en bout. Un dernier conseil : si d’aventure vous vous lancez dans la lecture, n’oubliez pas de jeter un œil à la bande son proposée au début du roman, vous n’en apprécierez que mieux l’immersion 😉

En bref, ce roman c’est :
– une bande d’amis unie
– un rythme parfaitement maîtrisé
– une tension palpable et omniprésente
– le constat social d’une époque

Deux romans feel-good coup de cœur ♥

C’est parti pour un petit « 2 en 1 », ni vu, ni connu ! J’ai récemment lu ces deux publications young-adult, et leur ai trouvé quelques airs de ressemblance (notamment le fait de faire tellement de bien au moral qu’ils devraient être remboursé par la Sécu !)

La Fourmi rouge; de Emilie Chazerand
Publié aux Éditions Sarbacane, 2017 – 256 pages

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Vania Studel a quinze ans. Pour elle, la vie ne semble être qu’une succession d’épreuves où chacun est condamné à n’être personne. 
Entre sa mère morte lorsqu’elle avait huit ans, son père taxidermiste farfelu et ses relations difficiles avec ses camarades, elle se voit comme une malheureuse fourmi parmi d’autres. Mais un jour, elle reçoit un courriel anonyme qui lui révèle toute son originalité. 

 

Comme à chaque fois, il me tardait de découvrir le dernier cru Exprim’, et comme à chaque fois, j’ai bien fait de me jeter dessus dès sa sortie ! La fourmi rouge se présente comme un genre d’ovni littéraire que j’ai dévoré en quelques heures et relu dans la foulée (ouais, il y a des bouquins comme ça). Depuis, je crois qu’il passe en premier dans mon top 3 des romans Exprim’, c’est dire !

L’adolescence n’est clairement pas la meilleure période de la vie et il y a de quoi angoisser. Mais Vania, 15 ans, a des raisons supplémentaires de se faire du soucis : un défaut physique, un prénom qui laisse à désirer, et un paternel des plus farfelus, ça ne rend pas le quotidien plus facile ! Heureusement, l’autodérision est reine dans ce roman, détournant ainsi les complexes, les souffrances et la différence que l’on peut ressentir à cet âge-là. 

L’auteure nous livre une galerie de personnages particulièrement loufoques et attachants, qui ont tous un petit plus à apporter au récit. J’ai apprécié chacune de leur fêlure, cela les rend d’autant plus réalistes à mes yeux et apporte une vraie émotion au roman.

« On tirait des plans sur des tas de comètes qui ne traversaient jamais nos ciels bas de plafond. »

Le ton est vif, plein de piquant, donnant au texte un rythme enlevé : c’est simple, on ne s’ennuie jamais avec Vania et son entourage ! (ce qui explique sûrement que je me sois marrée comme une baleine en le lisant) Ceci dit, si la majorité du roman est tourné vers l’humour, Emilie Chazerand nous offre aussi quelques beaux moments d’émotion. 

Pour moi, La Fourmi rouge est le digne héritier des Petites reines de Clémentine Beauvais, et se rapproche de Je suis ton soleil de Marie Pavlenko, dont le pitch et le traitement des thèmes difficiles est assez similaire. Vraie bouffée d’air frais abordant des sujets parfois douloureux, c’est l’un des romans de la rentrée à ne pas rater !


Je suis ton soleil; de Marie Pavlenko
Publié aux Editions Flammarion jeunesse, 2017 – 466 pages

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Déborah démarre son année de terminale sans une paire de chaussures, rapport à Isidore le chien-clochard qui s’acharne à les dévorer. Mais ce n’est pas le pire, non.

Le pire, est-ce sa mère qui se met à découper frénétiquement des magazines ou son père au bras d’une inconnue aux longs cheveux bouclés ?

Le bac est en ligne de mire, et il va falloir de l’aide, des amis, du courage et beaucoup d’humour à Déborah pour percer les nuages, comme un soleil.

J’ai littéralement dévoré cette histoire en quelques heures, tant je me suis retrouvée happée par les personnages si attachants et fragiles, l’humour grinçant qui se détache de l’ensemble, et la plume rythmée de l’auteure !

La grande force du roman, c’est évidemment Deborah, dont on suit les pensées intimes tout du long. Un brin désabusée, courageuse et pleine d’humour, elle partage de manière pertinente les aléas de son quotidien.

Je vais finir vieille fille. Sur ma tombe, on lira :
« Ci-gît Déborah, la fille qui aimait les grenouilles. Las, aucune n’eut la décence de se transformer en prince charmant. »

Oui, parce que depuis la rentrée, on peut dire que le théorème de la scoumoune (#lapoisse) n’y va pas de main morte ! Jugez plutôt : sa mère, dépressive notoire, se met à découper frénétiquement des magazines, son père a élu domicile à son travail, et Isidore, son tocard de chien, mordille toutes les paires de chaussures de la maisonnée. Pas brillant hein ?

Isidore, portrait d’un héros :

« C’est l’angoisse ce chien. Un mélange improbable de Droopy en fin de vie, Beethoven (le chien, pas le compositeur) atteint de psoriasis, et Milou passé entre les mains d’une esthéticienne sous acide. »

On suit donc Deborah sur toute son année de terminale, un peu à la manière d’un journal du quotidien. Nous sont alors exposées ses relations parfois complexes avec les adultes qui l’entourent, ce qui permet de jauger le caractère de chacun et d’en découvrir davantage sur leur passé, parfois douloureux. Heureusement, pour l’accompagner dans ses déboires, elle peux compter sur sa copine Éloïse, reine des crusheuses en série, ainsi que de Jamal et Victor, les nouveaux potes de cette rentrée haute en couleur.

 Jamal, ou le don de désamorcer les situations conflictuelles :

« Cependant, Mygale-man n’a pas dit son dernier mot .
– Je ne sais pas de quoi vous parler , mais une chose est sûre : oui , je suis son petit ami. Quand ce magnifique chien aura terminé sa besogne, nous nous mettrons nus, elle et moi, nous nous roulerons par terre et nous ferons l’amour comme des bêtes en nous barbouillant de caca. »

Jusque-là, rien de trop exceptionnel me direz-vous. Sauf que là où Je suis ton soleil  se démarque et fout les poils, c’est par son ton résolument joyeux malgré les thèmes grave que Marie Pavlenko choisit d’aborder (avortement, suicide, tout ça tout ça…). Elle fait preuve d’une grande sensibilité pour évoquer les événements, et nous livre, à grand coup d’humour, un roman léger et très rythmé, que l’on placera dans la pile des livres « à relire en cas de coup dur ». 

Mention spéciale aux noms de chapitres, qui font chacun référence à des œuvres musicales ou littéraires existantes ! Elles apportent une touche de fantaisie bienvenue qui contribue à faire le charme du roman et donnent de la profondeur au récit.

Je suis ton soleil fait partie de ces romans uniques en leur genre, teintés d’un doux optimisme, à la fois plaisants, décalés et écrits avec un talent certain. Marie Pavlenko a bien ciblé son lectorat : le vocabulaire utilisé est assez courant, l’écriture (c’est à dire les pensées de Deborah) fluide, et s’il s’agit avant tout d’un roman d’apprentissage sur l’adolescence, le récit pourra facilement plaire aux adultes (la preuve !). 


☞ En bref, dans ces romans il y a :
– des personnages loufoques et délicieusement cinglés
– un rythme soutenu qui fait que jamais on ne s’ennuie

– des thématiques difficiles, traitées sans pathos
– de l’humour en barre !

Roslend

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Cet article a un contexte particulier, puisqu’il est publié dans le cadre de BBenLivre. Mais késako? BBenLivre, c’est une manière virtuelle de célébrer et de mettre en valeur la littérature jeunesse durant une période donnée. Organisée en parallèle à Partir en livre par Nathan, cette manifestation rassemble des blogueurs et booktubeurs de tous horizons qui souhaitent mettre ce type de littérature à l’honneur.

Cette année, pour faire durer le plaisir, l’équipe de BBenLivre à décidé de jouer les prolongations durant le mois d’août (merci à eux !), et c’est comme ça que je me retrouve à vous partager l’un de mes derniers coups de cœur aujourd’hui ! 😀

Pour rappel, BBenLivre est aussi présent sur les réseaux ! 
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PS : D’ailleurs, restez connectés, on me souffle dans l’oreillette qu’un gros concours vous attends du 31 juillet au 20 août ! (toutes les infos sont juste là !)


Roslend; de Nathalie Somers
Didier  Jeunesse, 2017 – 333 pages

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En pleine Seconde Guerre mondiale, deux adolescents, Lucan et Catriona, se retrouvent au cœur d’un secret d’état. Le dossier Roslend est classé confidentiel : compréhensible quand on sait qu’il s’agit d’un univers parallèle et fantastique, dont le destin est étroitement lié à celui de Londres. Le sort des deux mondes repose désormais entre les mains de Lucan et de son amie.

 

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J’ai rarement été déçue par les publications de chez Didier Jeunesse, qui sont toujours de qualité et assez originales pour se détacher du reste (je pense notamment aux excellents et touchants Sublutetia, Le coeur en braille, De cape et de mots, et Le Temps des mitaines si on prend en compte les bandes-dessinées). Une fois encore, la magie a opéré et je suis ressortie bluffée de Roslend !

☞ Le cliché de l’orphelin

Nombreux sont les romans pour la jeunesse à mettre en scène un personnage principal orphelin, nimbé de mystère, en quête de ses origines. Roslend ne fait pas exception, puisque Lucan, quatorze ans, découvre un peu par hasard que son certificat de naissance est un faux ! Trop tard pour les explications cependant : son grand-père, qui l’a élevé jusque là, meurt subitement, le laissant démuni, avec pour seul révélation quelques mots chuchotés sur son lit de mort : Roslend, Big Ben, la clé.

Nathalie Somers utilise ce deuil comme élément déclencheur à son récit et introduction au monde parallèle, appelé « Alter-Monde » dans tout le roman. Certes, c’est un tour que l’on retrouve souvent dans d’autres œuvres, mais cela permet aussi au héros présenté de prendre en main son destin, et à l’histoire de commencer réellement !

☞ La Seconde Guerre mondiale comme si vous y étiez

Le contexte historique est d’importance, puisque l’auteure nous plonge dans l’un des conflits les plus marquants du 20ème siècle : la Seconde Guerre mondiale. Cela fait de Roslend un roman très documenté, d’abord parce qu’il nous montre le conflit du point de vue de la population, qui subit quotidiennement les bombardements ennemis, ensuite parce qu’il fait intervenir de grandes figures historiques, comme le roi bègue George VI, Winston Churchill, mais aussi le Général de Gaule !

☞ Roslend, une création atypique

Saluons l’imaginaire merveilleux de Nathalie Somers, qui a su faire de Roslend un endroit sensationnel duquel on s’émerveille !

C’est avec bonheur que le lecteur découvre le bestiaire qu’elle nous a composé pour l’occasion : ouzgouchs, otariens des sables, et rigmuffins sont tous surprenants à leur manière.
L’auteure décrit aussi les us et coutumes des habitants de la cité, qui participent au folklore local avec leurs yeux rouges ou mauves, et leur peau de différente couleur.
De même, sa description de paysages aux noms poétiques (mention pour « la mer des sables ondulants ») et de l’architecture locale ont de quoi sérieusement dépayser ! On imagine que trop bien les cascades de Roslend, ses merveilleux bâtiments faits de verre, et la nature omniprésente.

Au fonds, Nathalie Somers est la preuve que tout n’a pas encore été écrit en matière de fantasy et qu’il y a de quoi être éternellement surpris, ce qui est quand même une excellente nouvelle !

☞ Deux mondes parallèles : un destin commun

Quand Lucan atteri dans l’Alter-Monde, on découvre certes un univers d’une originalité folle, mais surtout une terre en conflit avec ses voisins, comme l’est la capitale anglaise au même moment. Grâce aux informations fournies par Churchill, on comprend que les deux univers sont liés selon une certaine logique -même si certains points restent obscurs- : dès qu’il se produit quelque chose à Roslend, cela impacte Londres. 

Dès lors, un poids supplémentaire pèse sur les épaules de notre héros, qui doit tout tenter pour sauver sa nation, ce qui augmente encore l’intérêt de l’histoire pour le lecteur ! Lucan va d’ailleurs pouvoir accomplir sa destinée : lui qui ne rêvait que de rejoindre les rangs de la RAF à Londres, va pouvoir combattre à dos d’ouzgouchs volants pour défendre Roslend ! (ce qui, si on me demande mon avis, est bien plus bad-ass et rigolo -mais tout aussi dangereux- !)

Au passage, mention spéciale à Taï-Marc Le Tthanh pour la réalisation de cette très jolie couverture qui met en évidence l’analogie directe des deux univers. Tout prend sens une fois la lecture terminée !

☞ Une histoire palpitante

Passionnant, c’est le mot que je choisirais pour qualifier Roslend ! D’emblée, Nathalie Somers alterne les chapitres relativement courts, et partage l’intrigue entre le Blitz de 1949 dans l’Ego-Monde, et les évènements de l’Alter-Monde. L’intérêt du lecteur se voit maintenue par un mini cliffhanger en fin de chapitre, ce qui fait de Roslend un roman très difficile à interrompre !

☞ Captivant de bout en bout, j’ai été emballée dès les premières pages par Roslend ! Nathalie Somer y mêle habilement fantastique, historique et aventure, le tout avec des personnages charismatiques et un univers parallèle des plus étonnants. Rythmé et addictif, le roman est une véritable invitation au voyage pour qui aime se plonger dans des histoires fabuleuses. Une choses est sûre : je serais au rendez-vous pour le deuxième tome !

En bref ce roman c’est :
– une création originale, complètement innovante
  – un mélange de genres astucieux
  – une histoire fascinante, impossible à lâcher !


BBenLivre se poursuit durant tout le mois d’août !

 

Rendez-vous dès demain sur la chaîne de Céline Online:
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De l’optimisme en barre ☀️🍋

Lus il y a maintenant quelques mois, je ne savais pas si j’allais les chroniquer ou non par ici, et puis un soir, l’évidence m’a sauté aux yeux : ces deux merveilleux livres se ressemblent sur le fonds. Et pour cause, ils sentent bon l’été et les citrons, font la part belle à l’amitié, et malgré les thèmes parfois difficiles qui y sont abordés -quand on y regarde de près- ces deux romans jeunesse sont lumineux et remplis d’espoir. 



Les belles vies
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 de Benoît Minville

Publié chez Sarbacane (dans la collection Exprim’), 2016 – 231 pages

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Vasco et Djib, deux banlieusards inséparables, sont envoyés pour un été en pension au coeur de la Nièvre… Un choc des cultures, des personnages flamboyants : la vie belle, les belles vies.

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Les belles vies, ça sent le soleil et les vacances, la campagne et les après-midis passés à la rivière. L’histoire est assez banale et aurait pu paraître inintéressante au premier abord : deux ados, Vasco et Djib, sont envoyés pour l’été au fin fond de la Nièvre chez Tonton et Tata, un vieux couple qui, depuis des années, recueille les gamins abîmés par la vie.

Et pourtant, on s’émeut pour ce récit de vie : on rit, on pleure, on a même envie de casser des choses contre cette vie, bien injuste parfois. Pour nos héros, cet été sera comme une parenthèse bienvenue : deux mois pour s’apprivoiser, se comprendre, et s’aimer.

La grande force de ce roman, ce sont les personnages si authentiques qu’a su créer Benoît Minville ! On apprend à les aimer, tour à tour, que ce soit Dylan, jeune homme un peu paumé qui explose quand tout devient trop dur à supporter, ou sa sœur Jessica, qui collectionne les garçons dans l’espoir de se comprendre et apprendre à s’aimer elle-même. Aucun n’est à mettre dans une case, chacun est un être fait de nuances.  

A l’image de la plupart des autres publications de la collection Exprim’ de Sarbacane, Les belles vies est un roman simple en apparence, mais profondément optimiste et lumineux. Empli d’émotion, avec des personnages généreux, c’est tout simplement un livre qui fait du bien au  moral et qui montre que de l’amitié peut naître beaucoup plus.

En bref, ce roman c’est :
– des personnages sincères et attachants
– de l’humour malgré une ambiance parfois pesante
une vraie bouffée d’optimisme !



La bibliothèque des citrons
; de Jo Cotterill
Publié aux Éditions Fleurus, 2017 – 368 pages 

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À dix ans, Calypso n’a pas d’ami et trouve refuge dans les livres de sa bibliothèque, qu’elle dévore. Sa solitude prend fin le jour où arrive dans sa classe une nouvelle, Mae, qui bouscule ses habitudes de lectrice solitaire et lui ouvre les horizons insoupçonnés de l’amitié. Cette amitié tombe à pic, car à la maison les choses tournent de moins en moins rond. Il faudra toute l’amitié de Mae et la générosité de sa famille pour que cette découverte acide devienne le point de départ d’un chemin de guérison où l’amour, enfin, pourra resurgir !

La bibliothèque des citrons, c’est l’histoire la plus banale qui soit. C’est l’histoire de la vie, celle qui blesse parfois, l’histoire d’un deuil impossible, mais aussi une belle histoire d’amitié. La banalité fascine parfois, c’est exactement ce qui se passe avec le roman de Jo Cotterill : on se laisse envahir par une foule d’émotions, et l’on s’implique, quitte à y laisser quelques plumes. 

Du haut de ses dix ans, la petite Calypso semble avoir grandi trop vite. Si c’est un peu déroutant au départ, c’est aussi ce qui fait le charme du personnage. D’ailleurs, si le roman cible plutôt un lectorat jeunesse, le propos est plutôt mature, et aborde des sujets un peu difficiles, ce qui me pousse à encourager aussi les adultes à se plonger dans l’histoire touchante de cette petite fille solitaire.

Profondément émouvant, La bibliothèque des citrons fait chavirer les cœurs en abordant une foule de thèmes forts : la question du deuil, mais aussi l’état de dépression, la colère et le déni de certaines situations. L’ensemble pourrait paraître lourd et pesant, pourtant Jo Cotterill fait preuve d’une grande justesse dans son roman. 
Attention, cela n’empêchera pas le lecteur d’être envahi d’un profond malaise, notamment lors de l’épisode des cartons de livres -je n’en dévoilerai pas d’avantage, tant ce passage doit être vécu à la lecture-…

Mais au delà de ça, La bibliothèque des citrons, c’est aussi une histoire d’amitié particulièrement forte et touchante : d’une petite fille renfermée sur elle-même, on voit Calypso devenir plus ouverte grâce à l’influence de Mae, pleine de vie, avec des projets de romans plein la tête. Et puis bien sûr, il y a cet éloge à la littérature et à l’amour que l’on porte aux histoires qui font palpiter nos cœurs. Jo Cotterill développe toute une réflexion sur le sujet, en choisissant deux héroïnes particulièrement avides de lecture et d’écriture.

Il pourrait être plombant et n’offrir aucune perspective, pourtant j’ai trouvé La bibliothèque des citrons particulièrement lumineux à sa façon. Emprunt d’une douce nostalgie, il montre combien certaines amitiés peuvent être salvatrices et nous aider à avancer vers un ailleurs meilleur.

En bref, ce roman c’est :
– une complicité très émouvante
– des montagnes russes d’émotions
– des dizaines de références à des classiques de la littérature !

Shades of Magic

Shades of Magic; de V.E. Schwab
Publié aux Éditions Lumen, 2017 – 508 pages
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Kell est le dernier des magiciens de sang, des sorciers capables de voyager d’un monde à l’autre. Des mondes, il y en a quatre, dont Londres est, à chaque fois, le cœur et l’âme. Depuis la contagion de l’un de ces Londres, il est interdit de transporter le moindre objet entre les univers. C’est malgré tout ce que Kell va prendre le risque de faire, histoire de défier la famille royale qui l’a pourtant adopté comme son fils. à force de jouer avec le feu, il finit par commettre l’irréparable : il emporte jusque dans le Londres gris une pierre noire comme la nuit, qu’une jeune fille du nom de Lila décide, sur un coup de tête, de lui subtiliser. Pour elle comme pour lui, le compte à rebours est lancé. 

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☞ Un univers bien développé

Victoria Schwab met en place un univers d’une richesse et une complexité que l’on se délecte à découvrir. Construire un monde de A à Z n’est déjà pas chose aisée, mais en mettre en place quatre différents, chacun ayant leur identité, est admirable !

Le lecteur prendra grand plaisir à assimiler l’histoire, les coutumes et les habitudes de chaque Londres présenté. Le tout est en plus savamment dilué au fil de ce premier tome, pour ne pas prendre le risque de noyer le lecteur sous de multiples informations.

☞ Des personnages charismatiques !

Les personnages façonnés par l’auteure contribuent pour beaucoup au charme de cette histoire à base de magie et de mondes parallèles.

Kell, est bien difficile à cerner, tant c’est un personnage est fait de contradictions et de mystères. Tout un pan de son histoire personnelle lui échappe, et si sa fonction d’émissaire entre les différents mondes le rend spécial, il reste l’un des derniers Antaris vivants, ce qui l’isole d’avantage.

Quant à Lila, que dire de cette voleuse débrouillarde, avide de découvertes et de liberté ? J’ai accroché d’emblée à  sa forte personnalité : c’est une jeune fille courageuse, qui n’a pas la langue dans sa poche, et fait preuve d’un cynisme à toute épreuve.

Les deux jeunes gens forment un duo bien assorti, et complémentaire. J’ose espérer qu’une romance ne verra pas le jour dans les prochains tomes, au risque de prendre le pas sur le reste de leur aventure (car il n’y a aucun doute, à la fin de ce premier opus, que leurs routes se croiseront à nouveau !).

☞ et du rythme avec ça !

Les cent premières pages ne sont pas les plus riches en action, puisqu’elle servent d’abord à l’auteure à développer son univers, dense et unique. Le lecteur y découvrira donc tour à tour les différentes versions de Londres, leur histoire commune, et se familiarisera avec le fonctionnement de la magie du sang, ainsi qu’avec les principaux protagonistes.

Passée cette première partie très descriptive, les rebondissements s’enchaînent pour nos deux héros, et Victoria Schwab gère de manière admirable le rythme de son histoire ! Dès lors, on alterne donc entre aventure et action, utilisation de cette magie si particulière, et visite des mondes parallèles sur les pas de Kell et Lila. 

La fin m’a particulièrement séduite : sans cliffhanger insoutenable, Victoria Schwab apporte une conclusion satisfaisante à son récit, tout en laissant suffisamment de questions sans réponse pour que l’on ai envie de foncer lire la suite !

 Riche, sans être trop dense pour autant, ce premier tome est une vraie réussite, et mérite largement toute l’attention qu’on lui a porté à sa sortie ! Des personnages mystérieux, une histoire menée tambour battant, une utilisation de la magie des plus originales, et un univers unique et créatif : l’imaginaire de Victoria Schwab laisse admiratif ! 

En bref :
– un univers richement décrit
  – des personnages haut en couleurs
– un récit haletant

  – un très bel objet livre

Pourquoi il faut (ABSOLUMENT) lire Inséparables !

Inséparables; de Sarah Crossan
Publié aux Editions Rageot, 2017 – 416 
pages 

 

 

Grace et Tippi. Tippi et Grace. Deux sœurs siamoises, deux ados inséparables, entrent au lycée pour la première fois. Comme toujours, elles se soutiennent face à l’intolérance, la peur, la pitié. Et, envers et contre tout, elles vivent ! Mais lorsque Grace tombe amoureuse, son monde vacille. Pourra-t-elle jamais avoir une vie qui n’appartienne qu’à elle ?

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☞ Une histoire banale ?

A ceux qui se seraient laissés convaincre par le résumé de l’éditeur que l’histoire ne serait, ni plus, ni moins, qu’un genre d’amourette de lycéennes : VOUS AVEZ TOUT FAUX.

L’intrigue est simplissime et pourrait, à priori faire pleurer dans les chaumières, je vous l’accorde. Sauf qu’au delà d’une histoire assez banale et relativement triste sur le fonds, Inséparables réussit à aborder une multitude de thèmes de société : l’alcoolisme, le sentiment d’exclusion, la maladie, la différence, mais l’amour aussi. Bref, la banalité, c’est vraiment beau quand Sarah Crossan se charge de la traiter !

☞ La poésie avant tout

Composé de brèves sections d’une à deux pages chacune, le livre est entièrement écrit sous la forme de vers libres, ce qui apporte immédiatement une forme de légèreté et de beauté à l’écriture. 

Si, comme moi, ce choix de forme vous laisse perplexe au départ (peut être pas tant si vous avez dévoré Songe à la douceur), pas d’inquiétude petits lecteurs : ça sonne « bizarre » durant une page ou deux, et l’instant d’après, ça se déguste comme une friandise. 

Doux et poétique, Inséparables va à l’essentiel, et on a l’impression de voir littéralement fondre les pages au fur et à mesure qu’on les tourne. 

☞ De l’émotion en barre

Bouleversant à plus d’un titre, Inséparables enchaîne les situations dramatiques, les tranches de vie du quotidien, l’amertume, mais aussi l’humour. Car oui, malgré le sujet grave abordé, le roman garde un ton décalé, presque un peu cynique parfois, notamment via les interventions de Tippie, qui a moins la langue dans sa poche que sa sœur. 

Le fait que le roman soit entièrement narré par Grace, à la première personne, renforce le sentiment d’appartenance à leur monde. Le lecteur rentre ainsi directement dans le quotidien et l’intimité des deux sœurs, ce qui décuple toutes les émotions ressenties pendant la lecture  ! (Vous pouvez préparer les mouchoirs, vous voilà prévenus)

☞ Un roman lumineux et optimiste

Ce qui est beau avec ce livre, c’est qu’on ne tombe jamais dans le pathos (comme je l’avais craint en l’achetant, mais je ne pouvais pas ne pas l’acheter, donc bref voilà).

Avec Inséparables, Sarah Crossan tient à montrer que, contrairement aux idées reçues, les siamois ne vivent pas un enfer en étant constamment collés l’un à l’autre. Vivre sans leur moitié serait un sort bien pire, et briserait l’entité parfaite qu’ils constituent.

« Elle n’est pas un morceau de moi. Elle est moi totalement et sans elle il s’ouvrirait un dévorant espace dans ma poitrine, un trou noir en expansion que rien d’autre ne pourrait combler. Vous voyez ? Rien ne pourrait combler ce vide. »

☞ Et la traduction dans tout ça ? 

Ayant lu le roman d’abord dans sa version anglaise, puis en français, je me suis amusée à  en comparer certains extraits. 

Bien sûr, je ne suis pas très bien placée pour juger du travail de traducteur de Clémentine Beauvais : ce n’est tout simplement pas mon métier, et ma connaissance de la langue anglaise n’est pas suffisante pour ça.

Néanmoins, il me semble que son travail fourni sur Inséparables est quand même remarquable ! Vous me direz, c’est fastoche, la demoiselle est bilingue et vit en Angleterre depuis des lustres, et a elle-même écrit un roman en vers libres : le très génial Songe à la douceur. Il reste que traduire une forme poétique doit être particulièrement compliqué, d’autant plus que les formules françaises sont généralement plus longues que les expressions de la langue de Shakespeare !

Pourtant, dans les quelques passages que j’ai comparé, on sent la recherche du mot juste, et la volonté de coller au plus près au sens de la version d’origine. 

☞ L’objet en lui-même

Bon, j’admets que ce n’est pas le meilleur argument pour que vous vous jetiez sur le livre ensuite. Mais quand même…on en parle de l’excellent travail éditorial fourni par Rageot ? Si la couverture française reflète déjà bien l’essentiel du livre, je trouve l’image de la VO encore plus frappante de vérité !

Alors oui, c’est un peu superficiel, mais ça fait aussi du bien d’avoir de jolis ouvrages dans sa bibliothèque 🙂 

☞ Il y a des livres qui nous remuent de l’intérieur à la lecture. On sait qu’on vit quelque chose d’exceptionnellement bouleversant, et il y a un je-ne-sais-quoi de triste à l’idée de savoir que l’on ne revivra jamais ce moment exact, même en relisant l’oeuvre. C’est très exactement ce qu’il se passe avec Inséparables. Ce livre, c’est un bijou de poésie et de délicatesse, alors même que le thème ne laisse pourtant pas rêveur. Et pour ce tour de force, il me tarde de découvrir d’autres œuvres de Sarah Crossan !

En bref, ce roman c’est :
– un thème méconnu
– une écriture sublime
– un travail de traduction minutieux et admirable
– une grosse claque émotionnelle

Celle dont j’ai toujours rêvé

Celle dont j’ai toujours rêvé ; de Meredith Russo
Publié chez Pocket Jeunesse, 2017 – 320 pages

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Amanda Hardy arrive dans un nouveau lycée. Comme beaucoup, elle souhaite avant tout s’intégrer. Mais malgré sa popularité, un secret l’empêche de s’ouvrir aux autres. Sa rencontre avec Grant remet tout en question. Il est le premier garçon qui parvient à lui faire baisser sa garde. Amanda comprend que pour être heureuse, elle doit se révéler, au risque de tout perdre. Car le secret d’Amanda c’est qu’avant, elle s’appelait Andrew.

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Ce livre, à l’image de George paru chez l’Ecole des loisirs, on en a beaucoup parlé à sa sortie. Sans doute à cause de son sujet – la transexualité-, encore pas très bien considéré dans notre société, et relativement tabou dans les écrits. Bien qu’il s’agisse d’un roman traduit de l’américain, le texte est bon et bien adapté, aucune coquille n’est à signaler.

Amanda fait figure de véritable héroïne dans ce roman, montrant un courage extrême pour pouvoir enfin être elle-même. Attachante et sensible, le lecteur ne peut que lui souhaiter le meilleur possible pour la suite !
L’autre point fort du roman, outre le personnage d’Amanda, c’est que l’auteure insiste sur la psychologie des proches de la jeune fille. De fait, on assiste au déchirement de ses parents, qui signera la fin de leur mariage, ainsi que le travail qu’ils fournissent sur eux-même pour accepter la différence de leur enfant. La relation d’Amanda et son père, notamment, est intéressante à voir évoluer : après des années d’absence, tout semble à reconstruire.

En parallèle, le témoignage d’Amanda permet d’ouvrir la discussion sur une foule de thématiques. La religion, omniprésente dans la région où emménage la jeune fille, permet d’aborder certaines questions sur la foi et l’être humain, et, s’il n’apporte pas de franche réponse sur le sujet, le roman permet au moins d’ouvrir de nombreuses portes. Le récit est aussi prétexte à souligner le mal que peuvent faire certains propos (notamment homophobes), et le harcèlement en lui-même. A comportement horribles, mesures désespérées, comme le jeune Andrew en fera d’ailleurs l’expérience… Réaliste, sans pour autant se terminer comme un conte de fée, la fin du roman m’a également séduite.

Il faut savoir que Meredith Russo est, elle aussi, une femme transsexuelle, tout comme Amanda. Néanmoins, le roman n’est pas strictement autobiographique, car comme elle l’explique dans les notes en fin d’ouvrage, l’auteure s’est simplement inspiré de sa propre situation, mais n’a pas nécessairement eu le même parcours que son héroïne. Si son histoire peut paraître stéréotypée par moments, c’est avant tout par soucis d’authenticité : Meredith Russo souhaitait que le vécu d’Amanda puisse s’adapter à la situation d’autres personnes, pour permettre une plus forte identification de la part du lecteur. Toujours est il que ce dialogue avec l’auteure sur la genèse de son œuvre apporte une touche de sincérité certaine au livre.

A noter que j’aurais aimé en apprendre davantage sur le passé d’Amanda, particulièrement sur le déroulement de sa transformation et de son traitement. Mais Meredith Russo a choisi d’occulter ce passage pour se concentrer sur l’évolution de son personnage, ce qui est un point de vue tout à fait défendable, mais qui ne m’a pas autant séduite que je l’espérais.
Quant à l’histoire d’amour du personnage avec Grant -quand bien même elle reste mignonne- elle m’a relativement peu intéressée, sans doute parce que je ne suis pas fan de romances d’une manière générale, et que leur relation évoluait trop rapidement pour me paraître vraiment crédible.

Dans le monde d’aujourd’hui, où chacun doit rentrer dans une case, et où les différences sont stigmatisées, l’histoire d’amour d’Amanda ouvre à nouveau un débat vieux comme le monde sur la tolérance envers les autres. Grâce à la jolie plume de l’auteur, au charisme de son héroïne, et au thème porteur, Celle dont j’ai toujours rêvé s’avère être un roman young-adult nécessaire, qui interpelle

En bref :
– une histoire nécessaire, touchante
– un beau message de tolérance
– un angle d’approche ne pouvant satisfaire tous les lecteurs
– une relation amoureuse un peu cliché