Inséparables; de Sarah Crossan
Publié aux Editions Rageot, 2017 – 416 pages
Grace et Tippi. Tippi et Grace. Deux sœurs siamoises, deux ados inséparables, entrent au lycée pour la première fois. Comme toujours, elles se soutiennent face à l’intolérance, la peur, la pitié. Et, envers et contre tout, elles vivent ! Mais lorsque Grace tombe amoureuse, son monde vacille. Pourra-t-elle jamais avoir une vie qui n’appartienne qu’à elle ?
☞ Une histoire banale ?
A ceux qui se seraient laissés convaincre par le résumé de l’éditeur que l’histoire ne serait, ni plus, ni moins, qu’un genre d’amourette de lycéennes : VOUS AVEZ TOUT FAUX.
L’intrigue est simplissime et pourrait, à priori faire pleurer dans les chaumières, je vous l’accorde. Sauf qu’au delà d’une histoire assez banale et relativement triste sur le fonds, Inséparables réussit à aborder une multitude de thèmes de société : l’alcoolisme, le sentiment d’exclusion, la maladie, la différence, mais l’amour aussi. Bref, la banalité, c’est vraiment beau quand Sarah Crossan se charge de la traiter !
☞ La poésie avant tout
Composé de brèves sections d’une à deux pages chacune, le livre est entièrement écrit sous la forme de vers libres, ce qui apporte immédiatement une forme de légèreté et de beauté à l’écriture.
Si, comme moi, ce choix de forme vous laisse perplexe au départ (peut être pas tant si vous avez dévoré Songe à la douceur), pas d’inquiétude petits lecteurs : ça sonne « bizarre » durant une page ou deux, et l’instant d’après, ça se déguste comme une friandise.
Doux et poétique, Inséparables va à l’essentiel, et on a l’impression de voir littéralement fondre les pages au fur et à mesure qu’on les tourne.
☞ De l’émotion en barre
Bouleversant à plus d’un titre, Inséparables enchaîne les situations dramatiques, les tranches de vie du quotidien, l’amertume, mais aussi l’humour. Car oui, malgré le sujet grave abordé, le roman garde un ton décalé, presque un peu cynique parfois, notamment via les interventions de Tippie, qui a moins la langue dans sa poche que sa sœur.
Le fait que le roman soit entièrement narré par Grace, à la première personne, renforce le sentiment d’appartenance à leur monde. Le lecteur rentre ainsi directement dans le quotidien et l’intimité des deux sœurs, ce qui décuple toutes les émotions ressenties pendant la lecture ! (Vous pouvez préparer les mouchoirs, vous voilà prévenus)
☞ Un roman lumineux et optimiste
Ce qui est beau avec ce livre, c’est qu’on ne tombe jamais dans le pathos (comme je l’avais craint en l’achetant, mais je ne pouvais pas ne pas l’acheter, donc bref voilà).
Avec Inséparables, Sarah Crossan tient à montrer que, contrairement aux idées reçues, les siamois ne vivent pas un enfer en étant constamment collés l’un à l’autre. Vivre sans leur moitié serait un sort bien pire, et briserait l’entité parfaite qu’ils constituent.
« Elle n’est pas un morceau de moi. Elle est moi totalement et sans elle il s’ouvrirait un dévorant espace dans ma poitrine, un trou noir en expansion que rien d’autre ne pourrait combler. Vous voyez ? Rien ne pourrait combler ce vide. »
☞ Et la traduction dans tout ça ?
Ayant lu le roman d’abord dans sa version anglaise, puis en français, je me suis amusée à en comparer certains extraits.
Bien sûr, je ne suis pas très bien placée pour juger du travail de traducteur de Clémentine Beauvais : ce n’est tout simplement pas mon métier, et ma connaissance de la langue anglaise n’est pas suffisante pour ça.
Néanmoins, il me semble que son travail fourni sur Inséparables est quand même remarquable ! Vous me direz, c’est fastoche, la demoiselle est bilingue et vit en Angleterre depuis des lustres, et a elle-même écrit un roman en vers libres : le très génial Songe à la douceur. Il reste que traduire une forme poétique doit être particulièrement compliqué, d’autant plus que les formules françaises sont généralement plus longues que les expressions de la langue de Shakespeare !
Pourtant, dans les quelques passages que j’ai comparé, on sent la recherche du mot juste, et la volonté de coller au plus près au sens de la version d’origine.
☞ L’objet en lui-même
Bon, j’admets que ce n’est pas le meilleur argument pour que vous vous jetiez sur le livre ensuite. Mais quand même…on en parle de l’excellent travail éditorial fourni par Rageot ? Si la couverture française reflète déjà bien l’essentiel du livre, je trouve l’image de la VO encore plus frappante de vérité !
Alors oui, c’est un peu superficiel, mais ça fait aussi du bien d’avoir de jolis ouvrages dans sa bibliothèque 🙂
☞ Il y a des livres qui nous remuent de l’intérieur à la lecture. On sait qu’on vit quelque chose d’exceptionnellement bouleversant, et il y a un je-ne-sais-quoi de triste à l’idée de savoir que l’on ne revivra jamais ce moment exact, même en relisant l’oeuvre. C’est très exactement ce qu’il se passe avec Inséparables. Ce livre, c’est un bijou de poésie et de délicatesse, alors même que le thème ne laisse pourtant pas rêveur. Et pour ce tour de force, il me tarde de découvrir d’autres œuvres de Sarah Crossan !
En bref, ce roman c’est :
√ – un thème méconnu
– une écriture sublime
– un travail de traduction minutieux et admirable
– une grosse claque émotionnelle
Je suis tellement d’accord avec ton article
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Sacré coup de coeur! Je me laisserai tenter à l’occasion, ton article donne envie de le lire en tout cas 😉
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Magnifique ta chronique mon chou! Et elle résume tout ce que j’ai vu ressentir, ce livre est incroyable !
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J’ai adoré lire ton article !! Vraiment génial, tu évoques tous les points susceptibles de nous faire succomber à l’histoire 😉
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Bon bin +1 dans ma WL, tu m’as convaincue ^^ J’ai hâte de découvrir ce livre plein de poésie !
Victoire
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Je vois beaucoup de retour très positif sur celui-là mais il ne me tente pas plus que ça Peut être à l’occasion.
Bises
Kin
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Je ne sais pas comment je n’ai pas encore craqué pour ce roman ! Je ne vois que des très beaux avis, élogieux, subtil et qui rendent un hommage magnifique à ce livre.. D’ici je craquerai !
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J’espère que quand tu le feras, il te bouleversera autant que moi ! 🙂
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Il n’y a que des coups de cœur pour ce livre et il faudrait vraiment que je lui laisse sa chance 🙂
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J’hésite à l’acheter, je vais bientôt à la librairie mais je ne sais pas trop si je vais le prendre…
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(Craque, craque, craque… tu ne le regretteras pas 😉 )
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Je n’ai pas encore lu la version française mais les extraits et les réactions des lecteurs me laissent entendre que le travail de Clémentine Beauvais est, encore une fois, délicieux et surtout fait honneur à la délicatesse du texte de Sarah Crossan.
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Vraiment, le livre en soi m’a complètement bouleversée (je l’ai lu d’abbord en VO), mais effectivement, je trouve que Clémentine Beauvais a sur conserver la poésie et la délicatesse du texte original. Je crois que certains passage m’ont même davantage émue en français à vrai dire. En tout cas, c’est une belle découverte !
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J’ai tellement envie de lire ce livre ! Et là je me demande pourquoi je ne l’ai pas encore acheté… Mais qu’est-ce que j’attends ?! Vite ! Dès demain, direction la librairie ! 😀
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Mais c’est vrai ça, qu’est ce que tu attends ?! 😉
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Une chronique absolument PARFAITE ! Je suis d’accord avec toi sur tous les points ! Merci pour ces précisions sur la traduction ❤
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