Le théâtre, j’y ai mais les pieds pour la première fois à l’âge de six ans : d’après ma mère je n’avais « pas tout compris, mais c’était drôlement bien ! ». Fort de ce premier succès, nos sorties culturelles autour de cet art vivant se sont multipliées au fil des années, jusqu’à mon entrée en fac qui a signé leur interruption.
Mais ça, c’était sans compter sur ma super maman qui, pour mes 25 ans, m’a offert un abonnement à l’Opéra de Vichy, dont je ne saurais trop vous recommander la programmation ! (ouais, y’a pas qu’à Paris qu’on est bien !) J’en profite pour vous glisser un petit lien sympa pour une visite virtuelle de l’opéra dont les décors valent largement le détour !

Ni une, ni deux, j’ai eu envie de parler plus en détail de chaque pièce vue cette saison. Problème : je n’ai aucune formation théâtrale, ne connais pas forcément le vocabulaire adéquat, vous vous contenterez donc de mes impressions à chaud et tant pis pour le reste ! 😀
L’HEUREUX ÉLU, d’Eric Assous
avec Bruno SOLO, Yvan LE BOLLOC’H
Yvon BACK, Mélanie PAGE, Mathilde PÉNIN
Nous sommes à Paris, quartier de la Bastille dans l’appartement de haut standing dans lequel vivent Greg et Mélanie. Ce soir, Charline, une amie de longue date expatriée à New York, est invitée et souhaite leur présenter son fiancé. Problèmes : 1) Jeff, un ancien compagnon de la jeune femme, s’est invité également dans l’espoir de reconquérir la belle qui l’a quitté comme un malpropre il y a plusieurs années. 2) Le promis de Charline -Noël de son petit nom- s’avère être un odieux bonhomme qui pense « différemment », et de ce fait, met tout le monde très mal à l’aise.
Assous met en scène avec réalisme une petite bande de quarantenaires bobos, et observe ses protagonistes avec la plus grande ironie. Sous couvert de légèreté et de triangle amoureux, L’heureux élu aborde des sujets modernes comme le couple, l’amour et la tromperie.
L’idée de prendre le public en aparté pour expliquer le passif de tel ou tel personnage est bien vue et permet, en outre, d’instaurer des moments de complicité avec le public.
Côté prestations, rien à redire, tout est jubilatoire et bien pesé. On retrouve Bruno Solo, acteur que je connaissais davantage pour ses rôles « populaires » à la télévision ou au cinéma. Le voir sur scène aux côtés de son acolyte Yvan Le Bolloc’h, tant d’années après Caméra Café était une agréable surprise ! Solo incarne avec talent un éternel ado, financièrement à l’aise et complètement oisif, tandis que Le Bolloc’h est parfait dans son rôle de séducteur un peu imbu de sa personne. Même David Brécourt parvient à donner à son personnage, pourtant détestable, une consistance et des mimiques intéressantes ! Quant aux rôles féminins, ils ne sont pas en reste pour autant, puisque Mélanie Page joue une Charline très touchante, tandis que Mathilde Pénin se démène sur scène afin d’accorder toute ce petit monde.
Moi qui pensais ne pas apprécier les vaudevilles, c’était sans compter sur la nouvelle pièce d’Éric Assous ! Comédie satirique et enjouée, L’heureux élu ne manque pas d’arguments pour convaincre : que ce soit pour la prestation des acteurs, les répliques cinglantes qui fusent à tout bout de champ, ou bien le sens du dialogue d’Eric Assous, on ne peut que sortir de la salle avec le sourire aux lèvres !
La légende d’une vie, de Michael Stampe
avec Natalie DESSAY, Macha MÉRIL, Gaël GIRAUDEAU, Bernard ALANE…
De l’oeuvre de Stephan Zweig on connaît surtout ses romans et nouvelles (Lettre d’une inconnue, Le joueur d’échec…) mais beaucoup moins les quelques pièces -8 au total- qu’il a écrites, dont Légende d’une vie, inédite et jamais jouée jusque-là !
Friedrich Franck, un jeune auteur, vit complètement écrasé par l’image de son père, artiste national élevé au rang de légende. Tout dans la demeure familiale, rappelle le travail du grand homme : sa veuve Léonor y veille scrupuleusement. L’arrivée de Maria, qui a connu Karl Franck dans ses jeunes années, va faire voler en éclat le mythe.
N’ayant pas lu la version papier de la pièce -encore moins en version originale!- je ne suis pas en position de juger de la qualité du texte, néanmoins il m’a semblé superbe et extrêmement moderne pour l’époque. Ils sont nombreux les thèmes abordés par Stephan Zweig dans cette oeuvre ! Si l’ensemble parle de création artistique, il y est aussi question de construction identitaire, d’héritage social, mais surtout du poids des secrets et des non-dits dans une famille.
Le jeu de chacun des acteurs est formidable et vibrant d’émotion. Gaël Giraudeau campe un personnage véritablement torturé qui redécouvre son père avec une certaine proximité. Son interprétation est d’autant plus juste que certainement inspirée de son propre vécu (il est le fils de l’acteur Bernard Giraudeau). La place des femmes dans le processus créatif est également représentée, à travers les personnages de Léonor et Macha, sublimes sur scène.
Subtile dans son approche des liens filiaux, La légende d’une vie est remarquable d’humanité et de beauté. Dans une ambiance tendue et redoutable, Michel Stampe offre aux spectateurs toute une palette d’émotions sur le chemin de la vérité.
Silence, on tourne !
de Patrick Hautdecoeur et Gérald Sibleyras
Écrite à quatre mains, Silence on tourne ! nous entraîne dans les coulisses d’un plateau de cinéma où rien ne se passe vraiment comme prévu. Ici, aucune tête d’affiche, tous les interprètes ayant un rôle égal à jouer.
Nous avons donc, en désordre :
– le réalisateur du film, amoureux transi de la jeune première, qui le mène joyeusement mais fermement par le bout du nez
– le producteur endetté jusqu’au cou, mari infidèle et homme méprisant qui n’hésite pourtant pas à implorer son épouse, actrice sur le film, de l’aider financièrement
– la jeune actrice Lola et ses rêves de grandeurs : rêvant de faire carrière, elle est prête à tout pour arriver à ses fins
– Philippe, l’éternel second rôle, complètement invisible aux yeux des autres
– l’assistant du réalisateur, auteur voulant se faire remarquer, qui doit faire avec l’humeur de chacun.e
N’oublions pas, en prime, la maquilleuse étrangère que personne ne comprend, la preneuse de son qui règne sur le plateau tel un dragon, ni les techniciens qui interviennent à plusieurs reprises pour proposer des interludes musicaux aux spectateurs ravis !
En plus de s’être attelé à l’écriture du scénario, Patrick Hautdecoeur se glisse dans la peau d’un des personnages, et incarne ainsi l’assistant-réalisateur sur scène. Sorte de chef d’orchestre de ce plateau de tournage où chacun se soucie davantage de ses problèmes personnels que du projet cinématographique en lui-même, il se montre à la fois candide et facétieux, pour le plus grand bonheur du public, dont la complicité est acquise dès le début de la pièce.
Effectivement, il est acquis que le public de la salle fera office de figurants pour le film, ce qui amène régulièrement les interprètes à prendre à partie des gens dans la salle. Tout est évidemment calculé plus ou moins à l’avance, mais il n’empêche que les gags et catastrophes qui s’enchaînent laissent parfois les spectateurs à bout de souffle d’avoir tant ri !
Acting, de Xavier DURRINGER
avec Niels ARESTRUP, Kad MERAD, Patrick BOSSO
Imaginez une cellule de prison déjà occupée par deux condamnés. Un beau jour, un troisième lascar les rejoint : lui, c’est Robert, comédien ayant fait carrière dans le théâtre avant d’être arrêté pour meurtre. Des paillettes pleins les yeux à l’évocation du mot « acteur », Gepetto, escroc de bas étage, le supplie de lui apprendre les ficelles du métier pour une éventuelle reconversion quand il aura purgé sa peine.
Réinventer Hamlet et bouleverser l’art dramatique, c’est le défi que se lancent les deux compagnons d’infortune. Commence alors un travail de longue haleine entre Robert, grand amateur d’auteurs classiques (Molière et Shakespeare pour ne citer qu’eux) et son élève, biberonné aux séries télévisés et magazines people. Cette opposition de références entraîne évidemment moultes situations comiques -peut être trop d’ailleurs- : ce comique de situation, souvent réutilisé pendant la pièce, a tendance a lasser.
Bel exemple de transmission du savoir que Niels Arestrup, admirable dans son rôle de metteur en scène exigeant. Kad Merad campe un personnage plus innocent -concrètement il a le rôle du niais inculte- mais juste dans son interprétation. Même Patrick Bosso s’avère convaincant dans son rôle de taulard taiseux : sa présence silencieuse mais attentive se limite à une gestuelle et des regards pour le moins efficaces.
Si Xavier Durringer présente avec « facilité » certains clichés du monde du spectacle (notamment l’ego de certaines célébrités ou l’orgueil de certains producteurs), il parvient à placer l’art théâtral au coeur de sa pièce. Ainsi, des questions artistiques un peu complexes ou abstraites sont rendues plus accessibles pour le grand public.
Huis clos à la mise en scène sobre mais suffisante, Acting respire l’humanité, l’art de se comprendre malgré les différences de chacun. On déplorera simplement le manque d’émotions dans les échanges, ainsi que le côté farce trop présent qui font perdre de la crédibilité à cette pièce tragi-comique.
Tout ce que vous voulez,
de Matthieu DELAPORTE & Alexandre de la PATELLIÈRE
avec Bérénice BÉJO et Stéphane De GROODT
Scénaristes et réalisateurs, Matthieu Delaporte et Alexandre de la Patellière écrivent à la fois pour le cinéma et la télévision. Après « Un dîner d’adieu » et le fameux « Le Prénom » -qui restera forcément dans les mémoires au moins par son adaptation cinématographique très réussie-, ils reviennent sur le devant de la scène avec Tout ce que vous voulez.
Dramaturge en mal d’inspiration, Lucie est confrontée au syndrome de la page blanche quand Thomas, son nouveau voisin, débarque chez elle pour régler un dégât des eaux. Sous couvert de cet accident du quotidien, la jeune femme légèrement névrosée et le fiscaliste plutôt bavard vont se rapprocher, intriguer ensemble, s’engueuler, pour mieux bouleverser leur existence respective.
Tout s’était bien enchaîné jusque là, j’étais d’humeur guillerette en me rendant au dernier spectacle de la saison, persuadée d’avoir bien cernée mes goûts en matière d’oeuvre théâtrâle (#brefjaimebienrigoleronacompris). Et là…c’est le drame, ou presque.
Bon, j’exagère puisque le thème du couple, maintes fois traité -au théâtre comme au cinéma- est ici abordé de manière relativement originale. J’ai également beaucoup aimé la double mise en abyme imaginée par les auteurs ainsi que la réflexion à laquelle ils se livrent sur le bonheur. Le focus sur le processus créatif n’est pas inintéressant non plus : jusqu’où peut-on s’inspirer de la réalité pour écrire une fiction ? Est-ce nécessairement un mal ?
Non, le problème à mon manque flagrant d’enthousiasme, il s’appelle Bérénice Béjo ! Découverte dans The Artist (film muet, où elle ne parlait donc pas en toute logique #ThanksCaptainObvious) en 2011, je n’avais jamais eu l’occasion de la croiser dans d’autres oeuvres, et ignorais même que j’allais la retrouver sur les planches. Son jeu forcé et sa manière de minauder à chaque réplique a vite eu raison de ma patience…
Heureusement pour le spectateur, Stéphane de Groodt est là pour sauver les meubles ! Irrésistible et débordant de tendresse pour son personnage, il incarne un homme timide et bourru, mais profondément humain et juste. Son jeu naturel s’oppose complètement aux tentatives de sa partenaire de scène, dont on a presque l’impression qu’elle se contente de lire ses répliques par moments.
Néanmoins, l’évolution de leurs sentiments respectifs s’avère touchante, et l’humour présent dans les dialogues font de Tout ce que vous voulez -je n’ai toujours pas compris le pourquoi du titre d’ailleurs- une comédie romantique relativement originale et agréable.
C’est déjà tout pour cette année…rendez-vous l’an prochain pour un nouveau bilan, puisque je suis quasiment sûre de reprendre un abonnement en 2018-2019 😉