Colorado Train ; de Thibault Vermot
Publié chez Sarbacane (dans la collection Exprim’), 2017 – 362 pages
☞ A lire si vous avez aimé Ça de Stephen King ou apprécié la série Stranger Things !
La poussière rouge. Les sombres Rocheuses. L’Amérique profonde, tout juste sortie de la Deuxième Guerre mondiale. C’est dans ce monde-là que grandissent Michael et ses copains : le gros Donnie, les inséparables Durham et George, Suzy la sauvage. Ensemble, ils partagent les jeux de l’enfance, les rêves, l’aventure des longs étés brûlants…
Jusqu’au jour où un gosse de la ville disparaît. Avant d’être retrouvé, quelques jours plus tard… à moitié dévoré.
Aussitôt, la bande décide d’enquêter.
Mais dans l’ombre, le tueur – la chose? – les regarde s’agiter. Et bientôt, les prend en chasse…
☞ Comme un goût de déjà-vu…
Dès les premiers chapitres, un constat s’impose : Colorado Train reprend de nombreux éléments du célèbre roman de Stephen King, Ça.
J’ai noté, en vrac :
– la présence d’un groupe d’enfants équivalent au « club des ratés », composé de plusieurs garçons (dont un petit gros qui n’est pas sans rappeler le personnage de Ben) et d’une seule fille (un peu bad-ass qui plus est)
– l’existence d’une bande adverse, présidée par un emmerdeur de première, Moe, très proche du personnage d’Henry Bowers dans le roman de King (retard scolaire, langage un peu vulgaire, même profil de brute qui malmène les plus faibles…)
– la mystérieuse « Chose » qui semble être à l’origine de plusieurs disparitions et crimes atroces
– la scène du château d’eau, refuge de la créature, constitue un véritable clin d’oeil à Ça
Alors hommage ou pâle copie ?
Si l’auteur reprend des codes évidents du thriller, et certains aspects de Ça (sa biographie en ligne mentionne qu’il apprécie particulièrement l’œuvre de Stephen King, j’imagine donc qu’il s’agit d’une sorte d’hommage à sa manière), il se détache heureusement assez de l’original, pour nous proposer une œuvre plus personnelle.
☞ Sueurs froides garanties !
La grande force du roman réside dans l’ambiance qui y règne. Durango est une petite ville, ce qui renforce l’impression d’un huis-clos parfois étouffant. L’ambiance y est feutrée, le danger est palpable, sans qu’on soit pourtant capable d’identifier clairement la menace : homme ou créature malfaisante ?
Justement, la manière qu’a Thibault Vermot de jouer avec la frontière entre le réel et le fantastique est intéressante. Le lecteur est ainsi gardé dans le flou jusqu’au bout, même si quelques extraits prenant le point de vue de la « Chose » permettent de se faire une idée plus claire de son vécu, et de s’immerger davantage dans l’histoire.
☞ Une plume efficace
Ce qui marque la lecture, c’est bien sûr le style génial de Thibault Vermot, dont il ne faut pas oublier que Colorado Train est seulement le premier roman ! Quelle réussite vraiment ! Variant les plaisirs, il insuffle au texte tantôt un côté poétique, tantôt un côté plus sombre et sauvage, presque provocateur.
Quant à la cadence, il la gère à merveille, faisant monter l’angoisse au fur et à mesure dans un rythme parfois saccadé, qui s’accorde très bien au genre horrifique du récit.
A noter que le roman n’est sans doute pas à mettre entre toutes les mains car certaines scènes sont un peu dures : il y est notamment question de viol, de meurtre et de cannibalisme. Et ouais.

☞ Une vision de l’Amérique
Au delà du côté angoissant, je dois dire qu’il y a quelque chose de très contemplatif dans ce roman. L’auteur insiste sur les paysages et la nature de ce bled du Colorado. Les descriptions particulièrement visuelles rendent la représentation des différents lieux d’action très aisée (mention spéciale aux mines abandonnées, qui forme un cadre propice à la terreur.
C’est aussi le portrait d’une époque, celle de l’Amérique des années 1950, bien souvent idéalisée dans les œuvres qui choisissent d’y planter leur cadre. Pourtant ici, Thibault Vermot met plutôt l’accent sur le spectre de la guerre, encore bien présent dans les esprits. On découvre ainsi toute la misère et la violence que cela a pu causer, y compris la « Chose » qui sévit à Durango.
☞ Thibault Vermot signe un premier roman au style remarquable ! Reprenant les codes du thriller, Colorado Train s’avère angoissant à souhait, d’autant que l’auteur fait planer une certaine ambiguïté sur la nature réelle du danger… Au delà de cet aspect, c’est assurément l’histoire d’amitié d’une bande de gosses attachante, et la description d’un contexte social qui rendent le roman passionnant de bout en bout. Un dernier conseil : si d’aventure vous vous lancez dans la lecture, n’oubliez pas de jeter un œil à la bande son proposée au début du roman, vous n’en apprécierez que mieux l’immersion 😉
En bref, ce roman c’est :
√ – une bande d’amis unie
– un rythme parfaitement maîtrisé
– une tension palpable et omniprésente
– le constat social d’une époque