Kasane

Kasane; par Daruma Matsuura
Publié chez Ki-oon (en Seinen), 2016

Kasane est une fillette au visage repoussant, presque difforme, régulièrement moquée et maltraitée par ses camarades de classe. Sa mère, actrice de premier plan célèbre pour son immense beauté, lui a laissé pour seul souvenir un tube de rouge à lèvres, et une consigne mystérieuse :  » Si un jour ta vie devient trop insupportable, maquille tes lèvres, approche l’objet de ta convoitise, et embrasse-le.  » Le jour où, au bord du désespoir, Kasane s’exécute, elle fait une découverte incroyable : le rouge à lèvres légué par sa mère lui permet de s’approprier le visage de ses victimes ! À la fois malédiction et bénédiction, cet héritage va offrir à la jeune femme un avenir auquel elle n’osait rêver jusqu’à maintenant…

Qu’on se le dise : je goûte fort peu aux mangas. Généralement, je n’arrive pas à passer outre le dessin, qui me déplaît, pour plonger dans l’histoire, si intéressante soit elle. Mais il y a peu, Saefiel a été si convaincante en parlant de Kasane,  que je n’ai pas hésité en croisant la série parmi les nouveautés de la médiathèque ! Et surpriiiiise : j’ai aimé. Vraiment, beaucoup. Comme quoi tout arrive  😉 

La série évoque des thèmes importants qui m’ont plu dès le départ, à savoir le culte de l’apparence, mais aussi la différence, et au travers, le harcèlement scolaire (présent seulement dans le premier tome). A travers sa passion de toujours, à savoir le théâtre, Kasane va essayer de s’épanouir en subtilisant l’identité d’autres personnes pour briller sur scène. Ce sera le début de relations toxiques et dépendantes… 

On ne peut s’empêcher de s’interroger : ce pouvoir extraordinaire est-il un don, ou une malédiction ? Je ne me souviens pas avoir croisé un personnage plus profond et aussi travaillé que Kasane dans mes lectures d’autres mangas. Bien consciente des possibilités que lui confère son étrange pouvoir, celui-ci lui pose, malgré tout (et on la comprend !) des problèmes de conscience. Tiraillée entre le désir d’accéder à ce qui lui a toujours échappé (aka, la reconnaissance et l’admiration dans le regard des autres), et les risques qu’elle doit prendre pour l’obtenir, sa souffrance est palpable (autant que son côté machiavélique), ce qui la rend terriblement touchante. 

Le dessin de Daruma Matsuura aura été une agréable surprise pour moi, qui rechigne à lire des mangas précisément à cause des illustrations, que je juge peu travaillées et exécutées dans un style qui ne me convint pas. Ici, le trait de l’auteur est fin et délicat, et sublime la beauté des différents personnages, mettant ainsi en évidence le contraste physique qui apparaît entre Kasane et les figures féminines qu’elle admire. D’ailleurs, j’ai apprécié le fait que la laideur ne soit jamais clairement représentée : on aperçoit peu le véritable visage de la jeune fille, qu’elle dissimule soigneusement derrière un masque ou bien un rideau de cheveux.

Kasane est un manga sombre et original, à l’histoire sombre et envoûtante, servi par des graphismes soignés : nul doute que la série s’annonce prometteuse. La réflexion que l’on retrouve sur la beauté est au cœur de l’intrigue et rend la psychologie des personnages d’autant plus intéressante ! J’ai personnellement hâte de découvrir la suite, voir jusqu’où son obsession du beau va conduire la jeune fille, et s’il n’y aura pas, un jour, de sévères répercussions… 

En bref :
√ – une ambiance malsaine, voire cruelle par moments
– une intrigue addictive
– des pistes de réflexion intéressantes
– un dessin étonnamment soigné